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Il n’est pas d’activité humaine qui n’implique déchet, reste, résidu et qui en retour ne soit affectée, travaillée par ce même reste. Par son extrême plasticité, le déchet se présente de prime abord comme un rebut inconsistant : dispersé et informe, il résiste aux efforts de classification. Il s’avère pourtant être un levier aux effets insoupçonnés qui agit comme révélateur ou perturbateur de l’activité qui le produit.
Ce contraste servira comme point d’ancrage aux explorations des contributrices et contributeurs. Comment le reste peut-il être abordé dans une autre perspective que celle du tout dont il provient ? Comment envisager le champ d’action du déchet à la lumière de son caractère dérivé ? Autrement dit, le déchet s’inscrit-il comme un acteur à part entière ou dépend-il uniquement de l’instance qui l’a produit ?
Si ces questions sont bien au cœur de notre thématique, nous souhaiterions ici diriger l’attention non pas sur la matérialité précaire du déchet mais sur ce qu’il peut effectuer. Sans prétendre limiter les approches possibles, nous proposons de penser le déchet comme force indicielle, puissance de négation ou encore à travers sa capacité d’activation. Les domaines d’effectivité du déchet délimitent autant d’horizons à explorer, relier, réévaluer et éclairer sous une lumière neuve, et ses effets révèlent ainsi un faisceau de thématiques – trace, archive, reste, supplément, dépense – qui sollicitent autant de champs disciplinaires.

Nous ne voudrions pas limiter ici les propositions à un seul type d’approche. Le numéro vise en effet à faire dialoguer entre elles des contributions de formes différentes (écrites, théoriques mais aussi artistiques, graphiques, poétiques, fictionnelles, etc.). Il s’agirait au travers de celles-ci de considérer le déchet dans une dimension rarement observée, ne se limitant pas uniquement à sa plastique (déceptive, informe), son sens (élément d’abjection) ou sa dimension anthropocène mais donnant peut-être à voir le monde depuis sa perspective. Pour ces raisons, nous invitons les autrices et auteurs à réfléchir à partir de ce que fait le déchet ou de ce que nous fait le déchet, à dépasser son statut d’invisible, de refoulé, d’absent, pour l’introduire immédiatement comme un agent.